La plus grande des bases allemandes de sous-marins de l´Atlantique se trouve à Lorient. La décision de faire de la ville-arsenal de Lorient la base principale des Unterseeboote (sous-marins) est prise dès la fin du mois de juin 1940. Ici, au lieu de se contenter d´un seul grand bunker abri comme à Brest ou à Saint-Nazaire, l´occupant en construisit trois (un quatrième bunker était encore en construction), plus la fortification du slipway du port de pêche par deux Dom-bunkers (abri-dôme dit également "bunker-cathédrale") et une multitude de "blockhaus" en béton armé (abris passifs ou actifs, ateliers, édifices logistiques, etc.). Un million de mètres cubes de béton furent ainsi coulés à Lorient. Une petite base de sous-marins à deux alvéoles est également construite sur la rive orientale du Sorff à Lanester et mise en service le 1er octobre 1941.
Durant la Seconde Guerre Mondiale, la ville de Lorient "investie" et sans cesse bombardée fonctionne autour et pour Keroman.
Keroman, le port de pêche, devient Keroman l´arsenal, tandis que les paisibles villas de la pointe de Kernevel à Larmor-Plage deviennent le quartier général des officiers de la Kriegsmarine ("Stützpunkt Kernevel" codé "Berlin" / point d´appui lourd). L´amiral Donitz y fait construire plusieurs abris bétonnés. En février 1943, la ville est détruite mais la base semble indestructible. Pour tous, alors que la base a changé de nom à la Libération - elle est baptisée du nom du résistant Jacques Stosskopf, et que la reconversion du site est engagée, les abris s´appelleront toujours : "KI", "KII", "KIII" et "KIV", abréviation de Keroman.
Les sous-marins allemands surnommés "les loups gris" - parce qu´ils se déplaçaient en meute - ont fait passer la guerre sous-marine dans l´ère moderne. Juste avant le feu nucléaire d´Hiroshima, le sous-marin représente une menace diffuse mais permanente sur toutes les mers du globe, les sous-marins sont partout où on ne les attend pas.
Sur les 168 sous-marins basés à Lorient pendant la Seconde Guerre Mondiale, 135 sont coulés par les alliés ce qui représente 80 % de perte. Durant la bataille de l´Atlantique, les sous-marins allemands auront coulé plus de 2800 navires en majorité civils.
Aux yeux des sous-mariniers d'aujourd'hui, les équipages allemands ont fait passer le sous-marin dans sa phase d´excellence et le savoir-faire technologique de la Kriegsmarine est toujours respectée. Les traces de la guerre sont encore visibles au détour d´une alvéole ou d´un escalier... Malgré les ordres pour les détruire (ou les recouvrir), des peintures murales ont traversé le temps rappelant le temps des pionniers de la guerre sous-marine... les murs parlent toujours.
Comment enfin ne pas évoquer le travail gigantesque des ouvriers : 15 000 "volontaires" mais le plus souvent "requis" pour travailler sur ce vaste chantier ? Comment ne pas parler des entreprises collaborationnistes françaises, allemandes (Karl Brand, Machinenfabrik Augsburg Nuremberg, SIEMENS...) ou belges, ou du soutien de l´État Français aux travaux de l´organisation Todt ?
Guillaume Lécuillier, 2005.
Photographe et vidéaste, spécialiste de la vue aérienne : https://www.auteursdevues.com