"Le château est très petit, mal figuré [...] ; rien ne s'y étant opposé que l'incapacité de ceux qui s'en sont mêlés qui ont cru que pour faire un bonne fortification, il ne fallait que faire beaucoup de bastions à tort et à travers et que les plus courtes lignes de défense étaient toujours les meilleures, autant de pièces, autant de fautes, toutes les plus grossières...". Vauban, avril 1683.
L'embouchure du Blavet et du Scorff revêtait une importance stratégique dès le Moyen-Age comme port avancé de la ville d'Hennebont (situé au fond du Blavet). En 1590, un conflit oppose les deux puissances maritimes que sont l´Espagne catholique et l´Angleterre protestante. La conversion d´Henri IV, roi de France à la foi catholique, complique encore un peu plus la situation... la ville de Blavet est pillée et incendiée par le duc de Mercoeur en juin. Pour soutenir la Ligue Catholique, les Espagnols commandés par Don Juan del Aquila fortifient "le havre du Blavet" en construisant une forteresse dénommée "le fort de l'Aigle".
Les Espagnols tiendront le Blavet jusqu'en 1598. Henri IV souhaitait démanteler la place mais Louis XIII, son successeur, s'y opposa trouvant le site extraordinaire. Il fit reconstruire l'ancienne citadelle de Blavet en partie détruite et développa la ville rebaptisée Port-Louis (une enceinte urbaine est construite au milieu du 17e siècle). Les bastions des fronts de mer établis sous la direction de l'architecte Jacques Corbineau furent achevés en 1622. Vers 1640, la citadelle affecte la forme d'un carré bastionné (sept bastions dont quatre à "oreillons") précédé d'une demi-lune et d'ouvrages avancés.
Port-Louis fut le siège de la Compagnie des Indes créée par Colbert en 1664, mais c´est en face de la citadelle que se développèrent le port d´armement et le chantier de construction de "L´Orient" connu comme le grand port des Indes. En 1699, Vauban projetait déjà de faire de Lorient un arsenal...
Vauban visita la citadelle et l'enceinte urbaine de Port-Louis au printemps 1683 : ses critiques sont nombreuses quant à la qualité des flanquements de l'ouvrage qu'il nomme : "château". Mais il conclut : "La situation est si avantageuse d'elle-même qu'elle efface tous les défauts". Ainsi, l'ingénieur se contenta de tracer pour la citadelle les plans d'un grand magasin à poudre, clos d'un mur de précaution et d'un arsenal protégé des coups du large par l'enceinte.. et proposa de "raccommoder" par endroits la place. Vauban, pour la gloire du Roi-Soleil (propagande et magnificence obligent) fit aussi ajouter des trophées au fronton surmontant la porte du corps de place et des échauguettes à fleur de lys. Hue de Luc, ingénieur, était en charge de la place de Port-Louis en 1684 et 1685.
Face à la citadelle de Port-Louis se dresse la plus grande des bases de sous-marins allemandes sur l´Atlantique. La décision de faire de Lorient la base principale des "Unterseeboote" est prise en novembre 1940. Ici, au lieu de se contenter d´un seul grand "abri-cathédrale" comme à Brest ou Saint-Nazaire, l´occupant en construisit 3 plus un slipway, une rotonde, 2 "Dombunkers", un bassin et une multitude de blockhaus (abris passifs ou actifs, ateliers, etc.). 800 000 mètres cubes de béton furent coulés à Lorient ! Durant la seconde Guerre Mondiale, la ville de Lorient "investie" et sans cesse bombardée fonctionne autour et pour Keroman. Keroman le port de pêche devient Keroman l´arsenal, tandis que les paisibles villas de la pointe de Kernevel à Larmor-Plage deviennent le quartier général des officiers de la Kriegsmarine. L´amiral Donitz y fait construire plusieurs abris. En février 1943, la ville est détruite mais la base semble, elle, indestructible. Pour tous, alors que la base a changé de nom à la Libération - elle est baptisée du nom du résistant Jacques Stosskopf, et que la reconversion du site est engagée, les abris s´appelleront toujours : K I, K II, K III, abréviation de Keroman.
(Guillaume Lécuillier in La route des fortifications en Bretagne et Normandie, 2006).
gouverneur de Bretagne