Cet ensemble fortifié de l’armée de terre de l’Allemagne nazie, numéroté "B 47" (selon les plans allemands en l’absence de marquage), appartenait à la ligne principale de combat (Hauptkampflinie) de Brest conçue à partir de la fin de 1942 et mis en œuvre en 1943. Avec l’ensemble fortifié numéroté "B 46" immédiatement situé à l’Est, il participait à la défense de la route de Guilers - actuelle route de Kerléo - contre une éventuelle attaque menée par des troupes terrestres appuyés de chars. Cette route pouvait constituer un accès à la ville-arsenal de Brest via la commune de Saint-Pierre-Quilbignon. Dans le quatrième quart du 18e siècle, l’emplacement situé immédiatement au sud - sur une crête à 95 mètres au-dessus du niveau de la mer - a déjà vu la construction du fort de Keranroux, l’un des cinq forts du camp retranché de Saint-Pierre (1776-1784). Située légèrement à l’ouest, la route de Lanninguer est protégée par l’ensemble fortifié numérotée "B 48".
La ligne défensive s’étendant du fort du Portzic au fort de Keranroux en passant par le fort Montbarrey (les environs du fort Montbarrey voit en outre l’implantation d’une batterie antiaérienne nommée "Vulkan") voit la construction de nombreux "nids de résistance" (Widerstandsnester) implantés à intervalle régulier. Ces ensembles fortifiés étaient précédés d’un fossé anti-char et anti-infanterie en ligne brisée, de champs de mines et de réseaux de barbelés mis en place entre le 20 mai 1943 et le 5 août 1944 (d’après les photographies de reconnaissance prises par la Royal Air Force). Au nord du fort de Keranroux et de la Butte du Polygone de la Marine (surnommée Sugarloaf Hill, la "Colline du pain de sucre" par les soldats Américains), le fossé anti-char se prolongeait par une ligne continue d’obstacles constituée de barrières Cointet (appelées également "portes belges" ou "élément-c"). La route de Guilers elle-même était obstruée par des obstacles anti-chars fixes, constitués de rails plantés dans le sol de manière oblique et, de tétraèdres en acier mobiles.
La topographie - position dominante entre 75 et 80 mètres d’altitude et pente douce vers le nord faisant "glacis" au-devant des bunkers a été essentielle dans le choix du site. L’ensemble fortifié "B 47" reprend d’ailleurs très exactement l’emplacement de l’une des redoutes intermédiaires du camp retranché de Saint-Pierre à construire au-dessus d’une "pointe de rocher" : "ce point a paru on ne peut plus avantageux à occuper pour éclairer les approches du fort [de Keranroux], et battre un petit vallon, qui est au pied du glacis, trop encaissé pour être vu de l’intérieur de l’ouvrage. Cette redoute de doit être qu’un petit poste avancé ; on peut en différer la construction jusqu’au moment, ou l’ennemi serait débarqué ; mais on a cru devoir en fixer la position, en démontrer la nécessité, et faire remarquer qu’elle se lierait à la ligne, que l’on suppose borner le contour du camp" (mémoire sur le Fort de Keranroux, de 1784). Cette "pointe de rocher", qui a vraisemblablement servi ensuite de carrière, correspond à l’emplacement du poste d’observation et de mitrailleuse bétonné circulaire dit Tobruk-Stand ouest.
De part et d’autre de la route de Guilers, deux bunkers - casemates en béton armé, variante allégée du type 667, abritaient chacune un canon de 5 cm pouvant tirer des obus antichars vers le nord (la casemate située à l’est n’est plus visible, elle a été détruite ou ensevelie lors de travaux dans les années 2000). Plus loin, toujours à l’est de la route, se trouvait également une casemate orientée vers le nord-est pour un canon de 7,5 cm (ce bunker reprend également l’emplacement de l’une des redoutes intermédiaires du camp retranché de Saint-Pierre). Immédiatement à l’ouest de la route de Guilers se trouvait également une cuve pour un canon antichar de 5 cm. Juste derrière en surplomb, dans l’angle nord-est de l’actuel champ, se trouve un bunker-abri de type 600 associé à la cuve comprenant pièce de vie - chambre de troupe et soute à munitions.
A l’extrémité ouest de l’ensemble fortifié se trouve un poste d’observation et de mitrailleuse bétonné circulaire dit Tobruk-Stand, de type 58c (80 cm Ringstand - 8-eckig, sans préfixe VF) servant à la défense rapprochée. Ce bunker a conservé des marquages de tir : "100 Sch / 3 Min" (abréviation de Schusszahl, "nombre de coups" et "Minute").
Deux bunkers passifs de type VF1a (abréviation de Verstärkt Feldmässiger désignant des "fortifications semi-permanentes de campagne") permettaient chacun de loger 6 soldats dans une unique pièce de vie - chambre de troupe. Enterrés dans le sol (seules les dalles de couverture émergent), ces abris sont dotés de murs périphériques et d’une dalle de couverture d’un mètre d'épaisseur en béton armé : ils résiste aux éclats mais pas aux bombes perforantes. Ils sont dotés de deux entrées principales et d’une sortie de secours prenant la forme d’un puits muni d’échelon. S’ils sont aujourd’hui en partie remblayés (notamment celui situé le plus au sud dans le champ), inondés à certains moments de l’année et leurs entrées partiellement envahies par la végétation, leurs murs conservent des traces de peintures murales imitant des tapisseries : peinture tachetée de couleur ocre jaune et fleurs au pétale rouge, liseré de couleur bleue faisant frise... Aucune numérotation de l’ensemble fortifié ou du bunker n’a cependant pu être observée à l’intérieur.
Selon les instructions de combat (Kampfanweisung) de la forteresse de Brest en mars 1944, la construction d’un bunker de type 114a était également prévue pour l’ensemble fortifié "B 46".
Les photographies aériennes d’août et septembre 1944 montrent ce secteur totalement ravagé et bouleversé par les bombardements. Les cratères en forme de cône allongés vers le sud-est sont attribuables aux tirs navals du cuirassé HMS Warspite depuis le large de Ploudalmézeau le 25 août : le fort de Keranroux est visé à 51 reprises avec ses canons de 15 pouces (obus de 381 mm). Plusieurs coups sont au but malgré la distance de plus de 25 km. Le fort et les nids de résistance des fossés anti-chars tombent le 13 septembre 1944. Sur les photographies aériennes de 1944 et 1955, les tranchées de communication entre les bunkers et les postes de mitrailleuse ouverts (Offene M.G.-Stände) sont plus ou moins visibles du fait des bombardements et des combats de la Libération, des remblais et de la remise en culture rapide des terres agricoles.
Dressé en 1947-1948, le rapport Pinczon du Sel fait état pour cet ensemble fortifié d’une casemate, de deux encuvements "avec des pièces légères", de trois abris et d’un poste d’observation et de mitrailleuse.
En 2022, alors que de nombreux arbres ont poussé sur le site au niveau de la rupture de pente, la casemate ouest semble toujours avoir conservé ses talus latéraux de protection (ils ont été arasés en août 2022). Légèrement à l’ouest de la casemate, périmètre marqué par plusieurs dépressions (correspondant à une ancienne carrière ?) et envahi par la végétation, des éléments métalliques non identifiés indiquent la présence d’une ancienne décharge. Au fond de celle-ci se trouvent les vestiges d'un poste d’observation et de mitrailleuse bétonné circulaire dit Tobruk-Stand (observation d'août 2022). La partie orientale de l’ensemble fortifié (entre l’encuvement situé près de la route et l’abri de type VF1a) a été aménagé en "terrain d’airsoft" ce qui a entraîné le creusement de tranchées notamment depuis l’un des bunkers - abris, l’installation de muret de protection en sac de terre et le dépôt de mobilier de récupération (état constaté sur le terrain en septembre 2021).
Quimper