"La Conchée sera cy après la meilleure forteresse du Royaume, la plus petite et la mieux entendue comme elle aura été la plus difficile à bâtir car jamais ouvrage ne le fut autant", Vauban à Le Pelletier, Correspondances, 10 mai 1694.
Reprenant les principes du fort à la mer développés au château du Taureau (2e moitié du 16e siècle), Vauban prévoit dès 1689 la construction d´une forteresse isolée en mer à quatre kilomètres au large de Saint-Malo. C´est à Garengeau que revient le soin de choisir le rocher : ce sera le rocher du Quince qui n´émerge que d´une quinzaine de mètres aux plus grandes marées basses... Le toponyme "La Conchée" a pour origine grecque "konkhê" qui signifie la "grande coquille". Dans le fort, le décor sculpté dans le calcaire de la fontaine représente une coquille. Les travaux du fort de La Conchée débutèrent à la fin de l´année 1692 par le déroctage du rocher afin de faciliter l´assise des fondations en pierres de taille de grand appareil. Si les moellons sont d´origine proximale (île de Cézembre), les pierres de taille proviennent des carrières de granite de l‘archipel de Chausey et des environs de Saint-Malo.
Protégé des fortes houles du large par l´île Cézembre à l´ouest et par "les haies de la Conchée" au nord, l´ouvrage devait par sa position éminemment stratégique protéger le chenal de la grande Conchée et la "passe ou fosse aux Normands" d´une éventuelle attaque navale sur la cité-corsaire... Le risque étant que les navires n´embossent la ville : c´est à dire, présentent leur travers et canonnent la cité Comme l´écrit le célèbre ingénieur : "Ce poste est d´une conséquence infinie pour prévenir le bombardement de Saint-Malo, mais les difficultés de s´y établir sont immenses".
En 1734, Garengeau, toujours en poste à Saint-Malo écrivait : "Le fort de la Conchée a neuf beaux souterrains voûtés et une très belle plate-forme au dessus sans autre chose qu´un bâtiment commencé dont les murs s´élèvent à deux pieds à la réserve de ceux qui portent la couverture de l´escalier qui le sont de six. Il serait très nécessaire d´un grand magasin à chaque bout pour serrer les affûts que l´on a été contraint d´apporter en ville, l´on y en a seulement laissé deux qui sont entièrement pourris, tous les canons sur le ventre, ce bâtiment contiendrait de plus un corps de garde, une salle d´armes et deux chambres, et le comble donnerait de l´eau dans la citerne pour le détachement du château auquel on est obligé d´en porter toutes les semaines de la ville, la dépense de ce bâtiment serait de 36 000 livres. Le fort souffre du manque d´affûts et d´eau".
Durant la Seconde Guerre Mondiale, le fort est en partie ruiné par les entraînements des artilleurs allemands et les combats de la Libération... Classé très tardivement au titre des Monuments Historiques (1984 !), il est aujourd’hui la propriété de vingt et un passionnés réunis au sein de la Compagnie du Fort de La Conchée. L´édifice est en cours de restauration.