Dossier d’œuvre architecture IA29001330 | Réalisé par
  • enquête thématique régionale, Inventaire des fortifications littorales de Bretagne
Ensemble fortifié : batteries et casernes, année "1848" de l'îlot des Capucins (Roscanvel)
Œuvre étudiée

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Bretagne Nord
  • Commune Roscanvel
  • Lieu-dit Ilot des Capucins
  • Cadastre C 488
  • Dénominations
    ensemble fortifié, abri, batterie, casemate, caserne, pont
  • Parties constituantes non étudiées
    batterie, casemate

LES FORTIFICATIONS DE LA RADE DE BREST, UN PATRIMOINE RECONNU

Le goulet de Brest : les côtes de Léon et de Cornouaille

L’îlot des Capucins à Roscanvel (2011)

Un projet vaubanien

"Il y a une autre batterie à faire sur le petit rocher isolé, près du Capucin, vis-à-vis des Minous […] Celle-ci aurait encore l’avantage de défendre l’entrée de la rade de Camaret, de sorte qu’elle serait àdeux usages […]. Ce serait présentement une des meilleures choses qu’on pût faire au Goulet; il y aurait moyennant cela trois batteries principales de ce côté et autant de l’autre, savoir celle de la pointe des Espagnols, celles de Cornouaille et du Capucin répondantes et vis-à-vis des Minous, du Mengant et du Portzic" Vauban, 1695.

Face à la pointe du Minou, côté Cornouaille, une batterie de 25 embrasures, une caserne (intégrant un magasin à poudre), un corps de garde et un mur d’enceinte sont proposés par Vauban en 1695 sur l’îlot des Capucins. Le "petit rocher isolé", comme il le désigne, mesure environ 130 m de long pour 60 m de large. Le projet est connu grâce aux plans et coupes dressés par Traverse, ingénieur local en charge de la côte de Cornouaille, le 24 janvier 1696 et contresigné par Vauban. Si, sur le papier, le projet semble simple : une vaste plate-forme d’artillerie orientée vers l’entrée du goulet à l’ouest et un grand casernement à l’est protégé par le massif rocheux de l’îlot – et donc à l’abri des coups directs del’artillerie ennemie – il repose sur un très important travail de déroctage afin d’aménager une plate-forme sur quasiment tout le pourtour du rocher. L’accès à l’îlot nécessite impérativement de traverser à marée basse. En raison de son coût pharaonique, ce projet reste dans les cartons du génie pendant 151 ans ; c’est en effet suite au travail de la commission mixte d’Armement des côtes de 1841 qu’il ressort quasiment en l’état en 1847. On peut comparer les travaux insulaires de l’îlot des Capucins à Roscanvel (1847-1849) avec ceux, contemporains - mais à une moindre échelle, de l’îlette au Conquet (1847).

L’aménagement de l’îlot

L’îlot des Capucins est aménagé entre 1847 et 1849 pour un coût total de 115 885 francs dont 36 200 francs pour la caserne. Une fois les travaux achevés, le rocher central en schiste ne mesure plus, au niveau de la batterie, que 37 m de largeur pour 85 m de longueur.

Le rocher a été taillé en cinq faces dans sa largeur : à l’ouest de l’arête centrale, deux faces dont la principale, à 45°, sert de parados et de masque ; à l’est, trois faces permettent de plaquer la caserne est contre le rocher. La face orientale, entaillée sur toute sa longueur d’un caniveau faisant rigole, permet de collecter les eaux de pluie afin d’alimenter la citerne aménagée en sous-sol de la caserne. Les deux batteries à barbette, parapet compris, ont une largeur de 15,5 m 65 sur près de 100 m de longueur totale. À l’est, la plate-forme de la caserne, d’une largeur de 17 m pour 60 m de longueur, a été aménagée en partie par déroctage et par ajout d’un remblai en pierres locales avoisinant 1 000 m³. On peut donc estimer le volume total déroché sur l’îlot des Capucins à au moins 20 000 m³.

Les abords du rocher ont également été façonnés au nord-est afin de créer une zone en pente douce et un quai au niveau des fondations de l’actuelle pile du pont de l’îlot pour permettre l’abordage de chaloupes et chalands. Un escalier d’accès a été créé entre le quai et la "plateforme" faisant pile du pont-levis. Dans un premier temps, une passerelle en bois semble avoir été installée entre le continent et l’îlot pour faciliter les communications. Du côté de la terre, un chemin et des escaliers ont été aménagés à flanc de falaise.

Un mur défensif surmonté d’un parapet a été créé sur la face arrière du rocher, c’est-à-dire à couvert, du nord-est au sud du rocher. Il est élevé en maçonnerie de moellons avec chaînes d’angle en pierre de taille harpées à chaque brisure saillante du tracé. Les tablettes en granite du parapet qui venaient souligner l’ensemble ont aujourd’hui disparu. Le rocher en glacis concourt également à renforcer l’efficacité de l’obstacle.

L’entrée monumentale à pont-levis est encadrée par deux piliers en pierre de taille couronnés chacun d’une tablette portant un boulet. Le pont-levis permet de franchir un fossé sec auquel on a adjoint vers 1890 deux batardeaux surmontés de deux dames empêchant l’escalade. L’ensemble (boulets compris) quoique le pont-levis ait été remplacé par la suite par une passerelle fixe, est connu grâce à des photographies de 1917 et est encore visible sur des photographies de 1969.

Une batterie de côte

La batterie basse de l’îlot des Capucins a hérité de l’armement de la batterie haute homonyme constituée en 1841 de 6 canons de 30 livres de balle et 6 obusiers de 22 cm en fer. Sa fonction est la défense du goulet de Brest. Mentionnée dans l’Atlas de mise en état de défense des côtes de l’Empire français (1858), la batterie de l’îlot des Capucins est classée en premier degré d’importance. L’armement est révisé lors de la séance de la commission de défense des côtes du 7 février 1870 : la batterie dispose alors d’un armement dit transitoire de 10 canons rayés de 30 livres de balle et 2 obusiers rayés et frettés. L’objectif pour 1870 était de doter la batterie des matériels suivants : 2 canons rayés de 27 de calibre, 6 canons de 30 livres de calibre et 2 obusiers rayés et frettés. La batterie basse de l’îlot des Capucins se voit remplacer par 4 batteries modernes établies en arc de cercle sur la pointe des Capucins à partir de 1886 : batteries de canon de 24 cm, 32 cm et 100 mm, dites "à tir rapide" (1898), mortiers de 30 cm. Dès 1693, une batterie de 2 canons de 18 livres de balle ainsi qu’une batterie de mortiers sont attestées sur la pointe des Capucins.

Une tour crénelée n° 1 modèle 1846 avortée

Le "corps de garde" ainsi qu’il est désigné sur l’Atlas des batteries de côtes de 1850 occupe une surface au sol d’environ 330 m². Il s’agit en réalité d’un plan-type "contrarié" puisque la commission mixte d’armement des côtes avait proposé originellement l’établissement d’une tour crénelée n° 1. Du nord au sud, on trouve, selon la terminologie de l’époque, le magasin à poudre voûté à l’épreuve des bombes, le magasin d’artillerie, le logement pour 62 hommes, les magasins à vivres, la cuisine et les logements du chef de poste et du gardien. Une citerne voûtée a été aménagée en sous-sol sous la cuisine. La toiture en ardoise est à deux pans avec croupes. L’édifice est doté de quatre conduits de cheminée. Les combles peuvent permettre de loger des troupes supplémentaires. Des latrines couvertes ont été aménagées à proximité de la batterie sud.

Le bâtiment emprunte le langage architectural des corps de garde de type 1846 avec une mise en œuvre particulièrement soignée. Soubassement, bandeau plat régnant à mi-hauteur, chaînes d’angle harpées, corniche moulurée, entourages des ouvertures ont été réalisés en pierre de taille de granite. L’ensemble offre un saisissant contraste entre la couleur sombre du schiste local de la maçonnerie et le gris-rose du granite de l’Aber-Ildut. Le pignon nord porte le chronogramme 1848. À l’intérieur, les murs sont encore enduits partiellement à la chaux, les baies sont couvertes en segment à claveau ; appui, piédroits sont en granite et l’arc en brique.

Les évolutions du site de 1850 à nos jours

En 1860 et 1861, de nouveaux travaux ont lieu afin de doter l’îlot des Capucins d’une chaussée et d’un pont d’accès. Ce pont à arche unique enjambe la mer et les rochers sur plus de 20 m. Il porte sur la clé l’inscription "GM" pour Génie maritime et la date de 1861. Un ensemble regroupant une usine électrique et une citerne (de première génération pour une chaudière demi-fixe Chaligny de 30 ch), deux postes de projecteurs de combat et de jour (dont un casematé), un poste de commande (situé au sommet de l’îlot) et des logements pour le personnel de la marine y ont également été construits dans les années 1884-1885. Une batterie de rupture casematée est aménagée par déroctage en 1888. Selon le plan-type en vigueur, on retrouve deux chambres de tir avec cheminées d’aération verticales, un bassin-citerne, un magasin à munition, une galerie et l’escalier d’accès. Cette batterie estarmée de deux imposantes pièces d’artillerie modèle 1870-1884 d’un calibre de 32 cm sur affûts spéciaux. Son poste de télémétrie est installé au sommet de lafalaise sur la pointe des Capucins. En 1917, le site est désarmé de façon spectaculaire par l’escalier d’accès, afin de récupérer les tubes de canon pesant chacun 48 t et mesurant 10 m de longueur, pour le front terrestre (artillerie lourde sur voie ferrée, abrégée "ALVF"). Les embrasures sont donc restées intactes.

Selon l’Atlas des batteries de côte de 1893, les matériels anciens de la batterie basse ont été remplacés par une batterie composée de 4 canons de 47 mm à tir rapide, aménagée sur plate-forme et sellettes spécifiques. Postérieurement à la Première Guerre mondiale, deux nouvelles installations sont élevées afin de recevoir des projecteurs ; l’îlot est également doté d’installations sanitaires plus conséquentes. L’entre-deux-guerres voit l’implantation d’une batterie de semonce composée de 2 canons de 95mm modèle 1888-1904 Lahitolle sur affût à embase circulaire et plate-forme bétonnée. Les Allemands compléteront cette batterie par 2 canons de75 mm (modèle 1887 Guerre et 1908) installés sur dessous-sellettes de pièces de 47 mm et affûts crinoline. L’îlot des Capucins (appartenant à l’armée de terre) a longtemps servi pour des entraînements.

Depuis 1978, le site est classé au titre de la loi de 1930 sur les paysages. Les fortifications de l’îlot ont été très récemment protégées au titre des Monuments historiques mais la question de leur éventuelle réaffectation demeure.

Comment, en dépit de conditions d’accès difficiles et de problèmes évidents de sécurité, mettre en valeur ce site pourtant exceptionnel ? Une stabilisation a minima des vestiges permettrait – en attendant de répondre à cette question – la conservation de cet ensemble architectural. En 2009, la direction de la Mémoire du Patrimoine et des Archives du ministère de la Défense a procédé au transfert d’affectation de terrains naturels sur le site de la presqu’île de Roscanvel au Conservatoire du littoral. L’îlot des Capucins est désormais la propriété du Conservatoire".

(Lécuillier Guillaume, 2011)

Lécuillier Guillaume (dir.), Jean-Yves Besselièvre, Alain Boulaire, Didier Cadiou, Christian Corvisier, Patrick Jadé. Les fortifications de la rade de Brest : défense d'une ville-arsenal. Rennes, éd. Presses Universitaires de Rennes, coll. Cahiers du patrimoine, 2011, n° 94, 388 p.

Fonction : défense de l'entrée du goulet de Brest en collaboration avec les batteries du Léon, en particulier le fort du Minou : batterie de rupture de la fin du 19e siècle.

  • Période(s)
    • Principale : 4e quart 17e siècle
    • Principale : milieu 19e siècle
    • Secondaire : 2e moitié 19e siècle
    • Secondaire : 2e quart 20e siècle
  • Dates
    • 1696, daté par source, porte la date
    • 1848, daté par source
    • 1849, daté par source
    • 1850, daté par source
    • 1861, daté par source
    • 1888, daté par source
  • Auteur(s)

Invisible du goulet de Brest, l´îlot des Capucins accessible par un pont daté de 1861 a été fortifié selon un plan initial de Vauban. Les casernements datés de 1848 sont habilement protégés des coups de plein fouet par le rocher. Sous le roc, des canons tiraient au ras de l´eau.

  • État de conservation
    oeuvre non réalisée, désaffecté, mauvais état
  • Statut de la propriété
    propriété de l'Etat
  • Intérêt de l'œuvre
    vestiges de guerre, à signaler
  • Éléments remarquables
    ensemble fortifié
  • Sites de protection
    site classé
  • Protections
    inscrit MH, 2008/06/25

Avis du Service de l'Inventaire du Patrimoine Culturel (SINPA) à la Commission Régionale du Patrimoine et des Sites, Fortifications littorales, juin 2008 : "Les conclusions de monsieur Philippe Truttmann (septembre 1971) sont éloquentes : "Site absolument remarquable, où l'architecture militaire constitue un élément valorisant certain dans un cadre naturel grandiose. Gamme assez variée d'ouvrages à caractère évolutif, malgré la relative briéveté de la période englobant les différentes étapes de construction. Ces bâtiments sont à l'abandon et partie d'entre eux dégradée. Les matériels organiques des batteries ont disparu, une partie de l'emprise du plateau est envahie par des ronces très denses". Le Service de l'Inventaire du Patrimoine Culturel appuie fortement la proposition de protection au titre des Monuments Historiques de la totalité de l'îlot des Capucins (batterie de rupture comprise) mais souhaite, si possible, que cette dernière inclue le pont (1861), la chaussée sur arcade, le chemin d'accès au site et les escaliers aménagés à flanc de falaise". Projet de protection au titre des M.H. en 2007.

Annexes

  • Annexe n°1
  • Annexe n°2
Date(s) d'enquête : 2002; Date(s) de rédaction : 2002
A rapprocher de
(juxtaposé)

Batterie annexe de 100 mm à tir rapide (6 canons de 100 mm modèle 1889 TR sur affûts M modèle 1891-T-1897 à pivot antérieur), Le Mengant (Plouzané)

Commune : Plouzané
Lieu-dit : Le Mengant
Adresse :
(juxtaposé)

Batterie de 100 mm à tir rapide (4 canons M de 100 mm modèle 1881 TR sur affûts Vavasseur puis 4 canons M de 100 mm modèle 1897 TR sur affûts M modèle 1897 à pivot central), Pointe des Capucins (Roscanvel)

Commune : Roscanvel
Lieu-dit : Pointe des Capucins
(juxtaposé)

Batterie de droite (2 canons de 32 cm Marine modèle 1870-1881, 2 canons Marine modèle 1870-1893), Pointe des Capucins (Roscanvel)

Commune : Roscanvel
Lieu-dit : Pointe des Capucins
(juxtaposé)

Batterie de gauche (4 canons Marine de 24 cm modèle 1870 sur affût Marine modèle 1883 P. C. puis affût modèle 1888 P. C.), Pointe des Capucins (Roscanvel)

Commune : Roscanvel
Lieu-dit : Pointe des Capucins
(juxtaposé)

Batterie de mortiers (4 mortiers M. de 30 cm. modèle 1883 sur affûts M modèle 1883 à pivot antérieur puis modèle 1883-T-1893 sur affûts M modèle 1883 à pivot antérieur modifiés), Pointe des Capucins (Roscanvel)

Commune : Roscanvel
Lieu-dit : Pointe des Capucins
(juxtaposé)

Batterie de rupture casematée (2 canons M de 32 cm modèle 1870-1884 sur affûts M modèle 1888) puis casemates (2 canons antichars de 5cm Kwk) (Cr 42), au ras de l'eau, Pointe des Espagnols (Roscanvel)

Commune : Roscanvel
Lieu-dit : Pointe des Espagnols
Adresse : au ras de l'eau
(juxtaposé)

Batterie de rupture casematée (2 canons M de 32 cm modèle 1870-1884 sur affûts M modèle 1888) puis casemates (2 canons antichars de 5cm Kwk) (Cr 43), Pourjoint, au ras de l'eau (Roscanvel)

Commune : Roscanvel
Lieu-dit : Pourjoint, au ras de l'eau
Adresse :
(juxtaposé)

Capitainerie de Crozon : ensemble fortifié

Commune : Crozon
(juxtaposé)

Magasin à poudre sous roc, Pointe des Capucins (Roscanvel)

Commune : Roscanvel
Lieu-dit : Pointe des Capucins
(juxtaposé)

Réduit, année "1854" dit "Réduit de Quélern" (Roscanvel)

Commune : Roscanvel
Lieu-dit : Quélern