Une batterie vaubanienne
« Le Minou. C’est la batterie la plus avancée du goulet à la grande mer. Il n’y avait que deux pièces de canons et deux mortiers. J’en ai fait ajouter quatre de 36 et y ferai encore mettre deux. On la ferme actuellement par derrière en redoute, la capacité du lieu ne permettant pas d’y faire autre chose ; elle sera fraisée et palissadée, et parce que la batterie serait encore plongée et vue à revers par les hauteurs, j’y ai placé un parados qui couvrira la batterie et ceux qui la serviront, et les mortiers le seraient par la partie du rempart qui sera plus élevé que le parapet des batteries. Les mortiers et le canon de cette batterie verront partie du mouillage de Bertheaume et l’entrée du goulet, elle est très bien placée ». Vauban au roi, 15 juillet 1695.
Située à l’avant-poste du goulet de Brest, la batterie du Minou, projetée en 1689, est réputée construite en 1692 : « Cette batterie est de gazon terrassé et fasciné avec un fossé du côté de la campagne sans aucune palissade, il y a une plate-forme de charpente qu’il serait bon d’augmenter pour ajouter encore un mortier ». La batterie est améliorée en 1695 et 1696 sur des plans de l’ingénieur Mollart contresignés par Vauban : elle devient « redoute ». Dans le vocabulaire architectural vaubanien, les redoutes sont « les plus petites de toutes les fortifications fermées qui se fassent dans les règles ». Côté mer, l’édifice se compose d’une batterie ne comportant pas moins de 11 embrasures et 2 emplacements de mortier sur une plate-forme aménagée légèrement en contre-bas, tandis que du côté terre, il est fermé par une escarpe en éperon précédé d’un fossé sec que l’on franchit par un pont-levis (ou une passerelle mobile) lui-même précédé par un sas ou « tambour palissadé ». À la fin du XVIIIe siècle, la cour intérieure renferme une caserne, un logement pour l’officier, le logement des gardiens, un magasin à poudre et un corps de garde.
Des transformations importantes au XIXe siècle
Selon les études de 1841 de la commission mixte d’Armement des côtes, de la Corse et des îles, composée d’officiers d’artillerie, du génie et de la marine, les batterie et redoute vaubaniennes du Minou sont amenées à devenir un véritable fort. Sur l’avis du comité des fortifications de fin 1844, les travaux s’étalent de 1845 à 1856 : les principales modifications concernent l’amélioration de la défense terrestre (la gorge) et l’adaptation des anciens parapets à embrasures à la nouvelle artillerie qui tire à barbette. Si le fossé sec creusé dans le roc est approfondi et la hauteur de l’escarpe sensiblement augmentée, le fossé est désormais flanqué par deux « ailerons » (disposés aux deux extrémités), percés de créneaux de fusillade de type archère et dotés chacun d’un mâchicoulis sur arc. L’escarpe est surmontée d’un parapet à terre coulante derrière lequel se trouve une banquette de tir pour des troupes d’infanterie. L’entrée du fort a été également remaniée : dotée d’une porte monumentale à pont-levis surmontée d’une bretèche, son style est épuré. Une citerne et un four à pain sont construits vers le milieu du XIXe siècle tandis que les casernements semblent avoir été « reconditionnés » pour accueillir la garnison de 60 hommes et leur officier (effectif théorique correspondant au nombre de pièces d’artillerie). En 1864, le fort du Minou est doté de 6 canons de 30 livres de balle modèle 1840 sur affût pivotant et de 6 obusiers de 22 cm modèle 1827 sur affût de fer pivotant. Un phare est élevé sur la pointe en 1848.
De l’embryon défensif vaubanien sur la pointe du Minou, la défense s’est étendue latéralement et s’est considérablement renforcée : à l’ouest tout d’abord sur le site du Grand Minou (plus connu sous le nom de Toulbroc’h) qui est choisi pour accueillir de nouvelles batteries de côte (dès 1695 et jusqu’en 1944) et l’une des rares tours modèles de Napoléon (1812-1813, remplacée par un réduit en 1884) construites pour la défense du port de Brest, à l’est vers le hameau de Kerangoff où sont installées deux batteries à partir de la décennie 1880 (batterie du Sémaphore : 1885-1886 et batterie de 100 mm : 1896-1897), au nord enfin avec la construction de la batterie haute du Minou en 1886-1887.
L’ensemble de ces positions est nommé à la fin du XIXe siècle « batteries de Toulbroc’h et de Minou ». Dans l’enceinte du fort, une batterie de rupture casematée pour deux canons de 32 cm de calibre et son magasin sous roc sont aménagés de 1887 à 1889 58 tandis qu’une batterie de petit calibre à tir rapide (4 canons de 47 mm) prend place sur la pointe autour du phare. Le couloir menant à l’aileron ouest est alors transformé en magasin à munitions.
Un XXe siècle mouvementé
Le fort servit un temps d’hôtel dans les années 1930 en raison de sa situation idyllique face à la mer. Mais la Seconde Guerre mondiale n’oublia pas le fort du Minou numéroté B 323 qui devient le poste de commandement du groupe d’artillerie côtière de marine 262 de Brest (MAA 262). Un poste de direction de tir d’un type approchant du M 162a est coulé sur l’ancienne batterie française qui est aussi en partie arasée. Deux pièces antiaériennes de 2 cm en encuvement assurent la défense du fort tandis qu’un poste de combat pour mitrailleuse lourde prend la plage du Minou en enfilade. Deux casemates de type 671 pour canon de 88 mm et un poste d’observation bétonné sont construits un peu plus haut à l’extérieur du fort. La position compte une importante défense rapprochée englobant le périmètre de la batterie haute du Minou et de la batterie du Sémaphore à l’est. Le blockhaus du fort du Minou verra sa surface doublée dans les années 1950 par la construction d’un poste de commandement. C’est, semble-t-il, à cette date que les anciens bâtiments qui avaient résisté tant bien que mal aux bombardements aériens sont finalement rasés pour laisser place à des antennes. Une tour supportant un radôme est construite à côté du phare en 1960 pour assurer le contrôle du trafic maritime en mer d’Iroise et à l’entrée du goulet de Brest. Depuis 2007, le fort du Minou est propriété de la commune de Plouzané. Mis en sécurité, il est désormais ouvert au public.