Le château de la Goule aux Fées tire son nom de la grotte marine à proximité de laquelle il fut construit sur une pointe de Dinard, à Saint Enogat, pour l´agent de change parisien Philippe Hébert en 1873. Ses toitures à forte pente, à coyau accentué, ses bandeaux et ses harpes de granite taillé, ses baies hautes et étroites en arc segmentaire, se veulent un hommage à l´architecture classique des malouinières construites au XVIIIe siècle par les ingénieurs de Vauban. Toutefois, malgré ces multiples références au passé, le terrasson plat invisible, en zinc, qui couronne le toit du corps central, double dans sa profondeur, appartient pleinement à son époque. L´entrée d´origine, au sud, du côté d´un parterre ovale, se faisait par un jardin d´hiver entièrement vitré, thème architectural récurrent dans les demeures du Second Empire. Ce dernier devait aussi présenter aux arrivants les plus beaux spécimens de plantes élevés dans la serre du château, petit chef d´œuvre de charpente métallique construite près de l´entrée du parc, autre objet de fierté de son propriétaire. Dans les angles de cet espace mixte, deux portes ouvrent sur un vaste hall à l´anglaise qui occupe tout le rez-de-chaussée du corps central. Sa haute cheminée à colonnes torses, son plafond à la française, ses quatre doubles portes encadrées de chambranles à crossettes, veulent recréer, face à la mer dont la vue entre largement dans la pièce par trois portes fenêtres en plein cintre, l´ambiance du Grand Siècle.
L´ensemble ne serait qu´une interprétation parmi tant d´autres, relativement convenue, du goût de la fin du XIXe siècle, s´il ne comportait, en son centre un monumental escalier à balustres de bois tourné qui par deux rampes divergentes et des quartiers tournants, mène à un repos formant tribune, à l´origine suspendu, et de là, par deux autres rampes à un deuxième hall, réservé à la distribution de l´étage. Le profil des balustres, les traces d´outil perceptibles sur le limon invitent à voir dans cet escalier, au reste assez mal adapté au volume de la pièce, le réemploi d´une réalisation locale du XVIIIe siècle, datable des années 1730. Cette structure, recomposée, est articulée autour de deux noyaux en fonte ornementale dont les bases renflées et les chapiteaux à feuillages, évoquent étrangement les becs de gaz du Paris d´Haussmann. Autour de cet espace au monumentalisme surprenant, visiblement autant destiné à étonner le visiteur qu´à « faire château », quatre grandes peintures sur toile, spécialement réalisées pour la demeure entre 1876 et 1878 par Ernest-Paul Brigot, élève de Courbet, illustrent le thème de la chasse aristocratique. Dans l´ancienne salle à manger, à droite de ce hall, des dessus de portes à compositions de fleurs ou de fruits, dus à Godefroy de Hagemann, accompagnent deux toiles décoratives du XVIIIe siècle, représentant différentes espèces d´oiseaux, évoquant le naturalisme de Buffon. Ce goût du commanditaire pour les ambiances obtenues à partir de réemplois anciens, ne se démentit pas à l´étage, dont le vestibule, aussi solennel que le hall du rez-de-chaussée, inclut dans son décor deux grands paysages pittoresques du XVIIIe siècle dans le style de Lacroix de Marseille ainsi qu´une bonne copie ancienne d´un Paysage avec la nymphe Egérie pleurant Numa de Claude Lorrain.
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