"Sise à Recouvrance, à mi-pente dans la rue de l’Église - au numéro 18 - la maison de la Fontaine, remontant au XVIIIe siècle, est aujourd’hui, sans doute, la demeure ancienne la plus remarquable de Brest. Epargnée par les destructions et restaurée en 1992, son intérêt, pour notre propos, repose, non sur ses dimensions, fort modestes, mais sur la diversité des pierres mises en oeuvre et sur son environnement.
En dépit de sa faible extension, le portail revêt une allure presque monumentale, soulignée par ses colonnes latérales, l’une en kersanton noir à grain fin, l’autre également en kersanton noirâtre, mais à grain plus grossier, et par sa corniche, encore en sombre kersanton. Le perron, avec ses cinq degrés, qui privilégient le granite rose de l’Aber-Ildut en pierres de taille, paraît presque démesuré et lourd par rapport à l’élégance du portail. Le soubassement et les chaînes d’angle sont appareillés dans le microgranite jaunâtre de Logonna. Symétriquement par rapport à l’entrée, quatre larges fenêtres éclairent le rez-de-chaussée. Les linteaux en kersanton noir, légèrement curvilignes, évoquent quelque peu de sombres sourcils, en contraste avec la teinte blonde du Logonna des montants. À l’étage, toujours côté rue, apparaît pour les ouvertures, la même singulière opposition entre les linteaux en kersanton et les montants en Logonna. À l’évidence, comme au rez-de-chaussée, il y a eu là intention délibérée, rigoureuse et heureuse, dans le choix de la répartition de deux pierres si différentes, dont le seul point commun est d’avoir été arrachées dans les confins orientaux de la rade de Brest. Mais dans les encadrements des fenêtres du second étage, sous le toit, cette ordonnance fait place à une assez surprenante fantaisie, puisque, ici, se rencontrent, de façon aléatoire, mais toujours toutefois en pierres de taille, le Logonna, le kersanton et le Laber. Côté cour, les diverses ouvertures privilégient la pierre de Logonna. Les cheminées méritent aussi d’attirer le regard. Au rez-de-chaussée, salle du côté gauche, dalles du foyer en micaschistes du Conquet, montants en Logonna, linteau en granite porphyroïde blanc de l’Aber-Ildut. Au premier étage, l’une des cheminées offre la même répartition lithologique ; dans l’autre, le linteau est en Logonna. Au deuxième étage, la cheminée associe micaschistes du Conquet, Logonna et kersanton. Par suite du crépi, la nature lithologique des murs - soubassement et chaînes d’angle exceptés - est difficile à observer. Cependant, en quelques points, le gneiss de Brest, en médiocres moellons, a pu être noté ; il est probable que cette roche a joué un grand rôle dans les élévations.
Édicule accolé au pignon de la demeure, la fontaine - qui lui a donné son nom - a été édifiée en 1761, sous le mandat du maire Lunven, ainsi que l’atteste une inscription gravée dans le kersanton ; l’écusson en kersanton est martelé ; la corniche est aussi façonnée dans la même roche. Par contre, la fontaine proprement dite, massive, est en pierre de taille en provenance du massif de l’Aber-Ildut (faciès à feldspath blanc). Le pavage devant ladite fontaine est en microgranite de l’Île-Longue et de Rostellec. La croix, monolithe, à bras courts, adossée à l’angle de la maison, est rapportée à la fin du Moyen Âge. Légèrement chanfreinée, avec un Christ de faible dimension en bas-relief, elle atteint 2,10 mètres de haut. Elle est taillée dans un granite gneissique, à enclaves gris-noirâtre alignées, connu sous le nom de « granodiorite gneissique des Renards », qui affleure aux environs du Conquet, sans qu’il soit toutefois possible de préciser le site d’extraction. Elle proviendrait de l’ancienne église Sainte-Catherine au bourg de Recouvrance ou du vieux cimetière voisin dit des "Noyés".
(Louis Chauris, 2012).
Sculpteur de l'arsenal de Brest.