Kervallon : la "bastide Ollivier" puis de Fayet
Kervallon en breton, le "lieu habité du Vallon" situé dans la paroisse de Saint-Pierre Quilbignon, à proximité immédiate de Brest, appartient au 17e siècle à Louise de Keroual (1649-1734), duchesse de Portsmouth et d'Aubigny. Les terres de Kervallon, sont achetées par Claude Ollivier, premier médecin de la Marine en 1674 (décédé en 1722) qui y fonde une "maison des champs" dite la "bastide Ollivier". La demeure tombe par mariage au marquis Jean-Baptiste de Fayet, seigneur de Peychaud et de Liversan (1753-1796), lieutenant au régiment des Gardes Françaises. Une carte des environs de Brest relative aux projets de fortifications montre les bâtiments, jardins en terrasse et bassins de Kervallon en 1784 ainsi que l’anse homonyme.
En décembre 1788, Jean-François Riou-Kerhallet (1746-1827) achète au marquis de Fayet la "bastide de Kervallon". Le domaine est décrit ainsi : "maisons, crèches et autres édifices, jardins, prés, terres, bois et ancien petit lieu de Keranvic, le champ de Parc-ar-Garrec et les maisonnettes, douets et carrières qui sont au bas du bois de Kervallon".
Kermédick : la "bastide Vassal" puis Tremblay dite "Maison du corsaire"
Au bord de la Penfeld, près de l’anse au rebut, une grande demeure et ses jardins clos en parterre sont associés au toponyme K[er]médick. Sur d'autres plans, Kermédick est dite "bastide [de] Vassal" (jusqu'en 1778-1779) puis, "bastide Tremblay" en référence à son propriétaire, Joseph Tremblay, armateur et négociant. Dès 1786, la "bastide de Tremblay" est louée par la marine pour le stockage des grains, des vins et du bois. A une date indéterminée (après 1790), un magasin est construit le long de la Penfeld.
Entre 1800 et 1812, Jean-François Riou-Kerhallet achète la "bastide Tremblay" et son magasin. C'est l’origine de la "Maison du corsaire".
Le domaine industriel et maritime de Riou-Kerhallet
Pour son activité de négoce et de construction navale, Jean-François Riou-Kerhallet établit un quai sur la Penfeld, une nouvelle cale, un nouveau magasin-entrepôt (dans l’alignement de celui existant construit après 1790), deux moulins à eau, une scierie et une tannerie. La "bastide Tremblay" est agrandie de deux ailes en retour d’équerre vers le sud-ouest, couvertes en appentis.
Négociant, Jean-François Riou-Kerhallet est notamment adjudicataire pour la fourniture à la marine (cuir, paires de bottes, marmites, pots à brai, plaques de cheminée, avirons, uniformes pour les pertuisaniers…) puis préposé aux transports militaires… Nommé par la suite vice-consul de Suède, il fournit la marine en fer et met en place des roulages pour vendre des matières premières. Des navires armés, tantôt au commerce, tantôt "en guerre" comme corsaires fréquentent le quai de Kervallon. Grâce à ses armements et à la marine, Jean-François Riou-Kerhallet amasse une fortune considérable. Seul défaut de son quai, son implantation géographique en fond de Penfeld qui oblige ses navires à traverser l'arsenal.
Le 19e siècle : la marine prend la main sur le site de Kervallon
Le plan-relief de Brest, réalisé entre 1807 et 1811, figure Kervallon : on distingue notamment le grand bâtiment de plan circulaire qui abrite le séchoir des peaux, un long alignement de bâtiments - les magasins de Riou-Kerhallet - se prolongeant jusqu’à l’actuelle "Maison du corsaire" et la cale. Kervallon - traversé par un cour d'eau - est doté de plusieurs terrasses et murs de clôture et de soutènement.
En décembre 1823, la marine, s’appuyant sur l’ordonnance dite Colbert de 1681 relative à la police des ports, côtes et rivages de la mer, fait un procès à Jean-François Riou-Kerhallet pour récupérer l'usage de l'anse de Kervallon. Riou-Kerhallet se défend mais en mai 1835 (il est mort en 1827), la marine devient finalement propriétaire par achat des "magasin Tremblay, [du] magasin neuf, [du] bâtiment qui les réunit, [de] la maison des tanneurs, [des] terrains indivis et communs réservés autour desdits édifices, [des] cales, quai, anse, débarcadère...".
Un dessin anonyme conservé au Musée départemental breton à Quimper montre Kervallon vers 1855 : on y voit notamment le monumental séchoir des peaux mais aussi la palissade en bois de l’arsenal, une guérite, le quai, la cale et d’autres bâtiments, le tout au milieu d'un vallon boisé.
Le 20e siècle : des usages multiples
Au début du 20e siècle, un débit de boisson nommé "La descente de Kervallon" participe de la vie quotidienne du vallon. Ce lieu, figurant sur plusieurs cartes postales, a fermé en 1978 mais les vestiges de ce bâtiment subsistent avec sa devanture peinte. Les jardins en terrasse font l’objet d’une exploitation agricole et maraichère.
Pendant la Première guerre mondiale, un hôpital-dépôt militaire est aménagé dans le magasin de l’artillerie de Kervallon.
En 1940, des travailleurs marocains de l’arsenal y sont logés et aménagent une mosquée et un café maure.
Vers 1941, les allemands investissent le site de Kervallon et construisent plusieurs bunkers en 1943 : deux abris à personnels au moins, une cuve pour canon défendant la Penfeld et dans le bois, plus haut vers Quéliverzan, un petit encuvement sous masque bétonné et un poste d’observation et de mitrailleuse dit Tobrouk desservis par un réseau de tranchées parsemées de niches à munition... (les tranchées sont encore visibles). L’extrémité nord de la "Maison du corsaire" (bâtiments C et D dans la description) est détruite par les bombardements ou les combats de la Libération de Brest.
Entre 1944 et 1946, des familles sinistrées par les bombardements sont logées dans les bâtiments.
Propriété depuis l'après-guerre de la famille Gélébart (agriculteur - maraîcher), la "Maison du corsaire" (ex "bastide Vassal", Tremblay puis Riou-Kerhallet) est louée à la famille Caudrollier (en 1959) et à la famille Perhirin (en 1969).
En 1980, Kervallon et la "Maison du corsaire" sont achetés par la Société d'Economie Mixte d'Aménagement et d'Equipement de la Bretagne (SEMAEB) ; les locataires restent en place.
Le parc des Rives de Penfeld et son plan d’eau sont créés dans les années 1980 (1987 ?) : il a nécessité la création d’un ouvrage de régulation hydraulique qui a fait perdre au quai et à la cale de Kervallon le rythme des marées.
En février 1984, les magasins Riou-Kerhallet situés sur le quai, le long de la Penfeld apparaissent encore sur un plan réalisé par la communauté urbaine de Brest. Ils sont détruits quelques années plus tard.
En 1986, la communauté urbaine de Brest crée les jardins familiaux collectifs de Kervallon.
En 1997, la communauté urbaine de Brest devient propriétaire de la "Maison du corsaire".
Le 21e siècle : incendie, cristallisation du site et ouverture au public
En raison d'un arrêté de péril, les occupants de la "Maison du corsaire" - Henri Caudrelier, Christian et Jean-Paul Perhirin - sont expulsés en octobre 2007. Les ouvertures du rez-de-chaussée et du premier étage sont murées par la collectivité.
Le 8 décembre 2007, la "Maison du corsaire" brûle entièrement. L'édifice est sécurisé en 2009 (arasement des pignons et consolidation des murs).
Le quai de Kervallon est restauré en 2017.
Depuis novembre 2018, l’association GERFAUT 29 (Groupe d’étude et de recherche des fortifications de l’Atlantique et des unités de terrain) est affectataire du bunker de type 128. Après l’avoir vidé, nettoyé et réhabilité dans un état proche de celui de 1943-1944, l’association l'a ouvert au public à l’occasion des Journées européennes du patrimoine.