Malgré les importantes transformations de sa façade et de sa distribution en raison des changements de propriété, le manoir de Cancouët conserve de nombreux éléments qui le rattache aux grands manoirs bretons des 15e et 16e siècles, époque à laquelle la famille de Cancouët occupe une place importante dans la noblesse locale ; on soulignera en particulier sa tour d'escalier avec le bel escalier en schiste à marches délardées, mais aussi des communs de grande qualité, avec lucarnes en calcaire à décor ornemental. Sa construction se déroule en deux campagnes, la première dans la 2e moitié du 15e siècle qui concerne la partie ouest, avec la tour et l'appentis ouest, la seconde la partie est y compris son appentis, ainsi que les communs. Enfin à la fin du 17e siècle, la distribution et façade sont reprises.
Le logis occupe le sud d'un vaste enclos limité par de hauts murs, dont les angles nord-est et nord-ouest étaient garnis de tours de défense carrées : elles sont signalées en ruine sur le plan cadastral de 1840, ce qui signifie qu'elles étaient sans doute couvertes à l'origine : les vestiges des quatre murs en ruines qui formaient la tour nord-est sont encore bien visibles. Cet enclos avec tour de défense qui peut dater du 16e siècle, n'est pas sans évoquer d'autres grands enclos comme celui du Plessis-Josso à Theix, Deil à Allaire, Le Bordage à Ercé près Liffré... Dans cet enclos se trouvaient une pièce d'eau, sans doute un vivier, au nord-est du manoir, ainsi qu'un chenil tout proche.
La chapelle dont il ne reste que quelques pans de mur, déjà en ruines en 1840, occupe l'angle sud-ouest de l'enclos : dotée d'un chevet à trois pans, elle s'ouvrait au sud par une porte aujourd’hui bouchée qui donnait sur l’allée d'accès à la cour du manoir.
Le logis occupe le côté nord de la cour et se compose de deux parties non-contemporaines séparées par un refends, l'absence de reprise dans le mur de façade résultant peut-être de sa reconstruction :
- à l'ouest se situe la partie la plus ancienne, le logis proprement dit à faux plan double en profondeur, avec tour d'escalier axiale insérée dans l'appentis postérieur. La modification des dispositions à la fin du 17e siècle a fractionné en deux pièces (plus tard séparées par un couloir) l'ancien espace unique de la salle du manoir. La cheminée de la salle était engagée dans le pignon ouest : il n'en reste que les corbeaux en pyramide renversée moulurés et les sommiers de l'ancien linteau. Une cheminée remployant des piédroits colonnettes du 15e siècle, provenant sans doute de l'étage, plus spectaculaires, est venue la remplacer.
La tour et la pièce en appentis ouest semblent faire partie de la première campagne de la fin du 15e siècle, le remarquable escalier en schiste à marches délardées contenu dans la tour étant semblable à ceux contemporains de Launay aux Fougerêts, ou de Sourdéac à Glénac.
Il est difficile de comprendre la partie est, à plan double en profondeur d'origine, mais très remaniée après sa transformation en dépendance de la ferme à la fin du 17e siècle, puis en logement à la fin du 20e siècle. Elle est cependant construite d'un seul tenant dans les années 1570-1580. Au rez-de-chaussée, le seul élément intact est la cheminée en schiste au pignon est qui était visible avant les restaurations des années 2000. Le trait le plus remarquable de cette partie est plutôt réservé à l'appentis postérieur dont la partie basse à usage de cellier est éclairé de plusieurs oculi chanfreinés, l'étage étant ouvert de fenêtres à appui mouluré : on rapprochera cette façade de celle postérieure du pavillon est du manoir du Plessis-Josso à Theix, également double en profondeur, avec structure cellier-couloir desservant des chambres.
A l'extérieur, plutôt que la façade du logis, très remaniée au fil du temps, ce sont plutôt les communs aux belles lucarnes en tuffeau qui retiennent l'attention. Elles seraient l’œuvre, comme la chapelle, de Jérôme de Cancouët, au début du 17e siècle, ce qui semble un peu tardif. (C. Toscer)
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